GROSSESSE - J’ai été alitée à 5 mois de grossesse avec interdiction de bouger. Mon utérus contractait et je ressentais des décharges électriques quotidiennement, jusque dans mes tripes. Mon médecin a pris la décision de m’arrêter. De m’aliter.
J’étais assignée à domicile dès de mon cinquième mois de grossesse pour limiter les risques d’un accouchement prématuré. Mon gynécologue m’a alors mis en arrêt maladie (puisqu’à part les congés pathologiques de 14 jours pré et post accouchement, il n’existe pas d’arrêt maladie spécifique lié à la maternité).
J’ai donc été arrêtée dans le cadre d’un arrêt maladie de 4 mois, mais cet arrêt était lié à ma grossesse.
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Une gifle
Par conséquent, comme le site Ameli le précise bien, mon indemnité journalière s’est élevée à “50% de votre salaire journalier de base. Celui-ci est calculé sur la moyenne des salaires bruts des 3 derniers mois précédant votre arrêt de travail (12 mois en cas d’activité saisonnière). Par exemple: pour un salaire de 75 euros par jour, votre indemnité sera de 37,50 euros bruts par jour.”
Je l’ai vécu comme une gifle. Un choc pour l’hyperactive que je suis, même si cette décision était indispensable pour nous. C’est en étant alitée que ma première injustice de mère a commencé. Mon injustice de mère a commencé lorsqu’après des semaines d’arrêt, mon salaire a été divisé par deux. Oui. Par deux. Comme lorsqu’on coupe une feuille de papier avec un ciseau, en deux. Comme une gifle multipliée par deux.
En 2021, après plusieurs semaines d’arrêt maladie en France pour cause de risque d’accouchement prématuré, c’est apparemment normal d’accueillir un enfant avec 50% de son salaire BRUT. Lorsque l’on est une femme, et que l’on porte la vie, avec une grossesse à risques nous avons donc deux choix: continuer de travailler en prenant des risques en silence ou bien être payée, moins. Beaucoup moins.
Mon arrêt de travail a duré 3 mois. Par la suite, je devais être indemnisée et recevoir mes indemnités journalières de mon congé maternité. Je les ai en effet reçues, avec plus d’un mois de retard (subrogation refusée par mon employeur et retard des indemnités versées par le service Ameli). Les mois qui ont suivi ont donc été plus précaires suite à cet incident bien trop fréquent.
Une injustice de femme et de mère
Le plus ironique, c’est que mes factures, elles, n’ont pas été divisées par deux. J’avais les mêmes charges, tous les mois, avec la moitié de mon salaire. Il n’existe donc toujours pas aujourd’hui une indemnisation particulière pour un arrêt long, lié à la maternité. Une indemnisation qui respecte les mères, jusque dans leur liberté financière. Nous avons seulement droit à un congé pathologique de 14 jours.
J’ai été indemnisée la moitié de mon salaire pour préparer l’arrivée d’un nouveau-né. Alors oui, nous sommes deux dans notre couple. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Ici, il s’agit de liberté. Il s’agit d’être son propre “Kevin”. Il s’agit d’indépendance.
Le salaire des femmes n’est pas de l’argent de poche. Ce n’est pas un complément, au salaire de l’homme. Le salaire des femmes, c’est l’émancipation. Il fait vivre des millions de foyers. Le salaire des femmes c’est aussi la liberté de rester ou de pouvoir partir, si l’on en a envie.
Mon injustice de femme, mon injustice de mère a commencé ici. Lorsque je portais la vie, clouée au lit. C’est regrettable de devoir être condamné, à la maternité.
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Ce billet est également publié sur le compte Instagram d’Anaïs G., avec son accord. Par la suite, elle a créé hashtag #moninjusticematernelle sur Twitter et Instagram pour libérer la parole des femmes sur les injustices qu’elles ont pu subir, liées à la maternité, et ainsi, initier un changement radical en faveur des femmes et des mères.
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