13-Novembre: Une initiative pour éviter que Salah Abdeslam soit au centre du procès

Photo d'illustration prise au deuxième jour du procès de Sofien Ayari et Salah Abdeslam à Bruxelles en février 2018. REUTERS/Francois Lenoir

MÉDIAS - Moins de vingt-quatre heures après l’ouverture du procès des attentats du 13-Novembre, le nom de Salah Abdeslam est partout: dans les esprits, à la Une des médias et sur les réseaux sociaux. Une sur-représentation que regrette Arnaud Lançon, le frère de l’écrivain rescapé de l’attentat contre Charlie Hebdo, et qui a lancé une initiative pour renverser la tendance ce jeudi 9 septembre.

Lors de la première journée d’audience, le terroriste est sorti du silence quasi permanent qu’il garde depuis son arrestation en 2016: la première fois sur invitation du président de la Cour d’assises spéciale pour décliner son identité, la deuxième fois de façon impromptue et non autorisée pour cracher sa haine de la France et critiquer ses conditions de détention.

Il a récidivé ce jeudi 9 septembre en prenant la parole de façon intempestive. “Est-ce que les victimes qu’il y a eu en Syrie et en Irak, est-ce qu’elles pourront prendre la parole?”, a-t-il vitupéré avant d’être coupé par le président de la Cour. Il a ensuite dédouané trois de ses coaccusés, provoquant cette fois une suspension de l’audience.

“Provocation”, “vindicte”... Instantanément, les chaînes et sites d’informations ont repris - voire ont fait leurs gros titres - sur ses propos, qui ont aussi été abondamment commentés sur les réseaux sociaux. Le nom du terroriste, déjà parmi les tendances sur Twitter avant même le début de l’audience, est ce jeudi toujours parmi les sujets les plus discutés sur le réseau social. En revanche, plus de trace des hashtags #13Novembre ou #procès13novembre à l’heure où nous écrivons ces lignes.

Le nom de Salah Abdeslam reste parmi les sujets les plus discutés sur Twitter après l'ouverture du procès

 

Prévisible, la situation n’en reste pas moins difficile à vivre pour les victimes des attentats et leurs proches. Arnaud Lançon, membre de l’Association française des victimes du terrorisme, a donc proposé ce jeudi de remplacer le nom du terroriste par un hashtag de soutien.

“Pouvez-vous envoyer un tweet de soutien (aux victimes du 13-Novembre, NDLR) avec #SoutienVictimes131115? Ce serait beau que ce hashtag soit plus populaire que celui d’un terroriste”, a demandé le frère de Philippe Lançon, blessé lors des attentats de janvier 2015.

 

Ne pas faire d’Abdeslam “une star”

La place que prend Salah Abdeslam dans ce procès interroge. Il n’est pas le seul sur le banc des accusés, puisque sur les 20 personnes mises en cause, 14 étaient présentes lors de la première audience. 

Malgré tout, l’individu attire tous les regards et concentre la colère. Pourtant, son rôle dans le déroulé des attentats est loin d’être crucial. “On lui taille un costume qui ne lui va pas et qui est bien trop grand pour lui”, insistait Gérard Chemla, avocat de 131 parties civiles, sur franceinfo avant l’ouverture du procès.

“Il faut arrêter d’en faire une star. Ce type-là n’est pas une star, c’était le chauffeur qui faisait les courses pour le commando”, ajoutait-il. Pour des raisons encore à élucider, Salah Abdeslam n’est d’ailleurs - et heureusement - pas allé jusqu’au bout de la mission qui lui avait été confiée.

Ne pas être “otage” de ses paroles

Mais, étant le seul encore assaillant du 13-Novembre encore en vie, Salah Abdeslam pourrait-il fournir à la justice des éléments importants? S’il le peut, il ne l’a jamais fait. Jusqu’à présent, Salah Abdeslam a opposé “un mutisme global de la parole et du geste”, a raconté sur BFMTV Christophe Teissier, ancien juge antiterroriste qui a enquêté sur les attentats.

“Hormis à une occasion où il a fait un discours de quelques minutes sur la responsabilité de l’État français et d’hommes politiques dans les attentats, il n’a jamais parlé, notamment des faits”, a expliqué l’ex-magistrat. La description correspond presque parfaitement à l’attitude d’Abdeslam au premier jour du procès.

La conduite du terroriste ne surprend pas les spécialistes. En dépit du “sentiment de frustration” provoqué par l’absence des auteurs directs (à l’exception d’Abdeslam, tous sont morts, tués par l’explosion de leur gilet ou par les forces de l’ordre), Jean-François Ricard, procureur du PNAT mettait en garde dès 2020 contre les attentes trop fortes sur “les auteurs directs” présents aux audiences.

“On serait bien incapable de citer un seul procès terroriste dans lesquels les auteurs directs étaient présents et au cours desquels ils se sont expliqués”, rappelait-il sur franceinfo.

 

Pour les victimes et pour le bon déroulé du procès, il est d’ailleurs crucial de ne pas devenir “otage de Salah Abdeslam” et de ses paroles. “Dans cette affaire, les spectateurs du Bataclan ont été otages, ne nous remettons pas en situation de victimes. Il faut garder la main, c’est nous qui donnons cette fois le timing et le tempo. Qu’il parle ou qu’il ne parle pas, ce n’est pas le débat. Nous devons le juger et le dossier parlera pour lui”, a insisté lors de son passage sur franceinfo maître Gérard Chemla.

“Je pense que si on passe les neuf prochains mois à commenter toutes les inepties qui sortent du box, on n’en a vraiment pas fini”, a réagi au micro du HuffPost Arthur Dénouveaux, rescapé du Bataclan et président de l’association de victimes “Life For Paris” à l’issue de la première journée d’audience. “Aucune partie civile n’avait l’air particulièrement marquée” par la provocation d’Abdeslam, a-t-il ajouté. “Après ce qu’on a vécu, ce n’est pas trois mots dans un box, entouré par des gendarmes, qui vont être glaçants.”

À voir également sur Le HuffPost: Procès 13-Novembre: Ce rescapé du Bataclan revient sur ce premier jour d’audience

Source, article complet : https://www.huffingtonpost.fr/entry/proces-13-novembre-salah-abdeslam-idee-du-frere-de-philippe-lancon-pour-leviter_fr_6139c8a5e4b090b79e7fdc60

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